voyage altra running tignes

Écrit par

Baptiste DOISNEAU

14 août 2025

Voyage Altra Running à Tignes

Invité par la marque Altra à Tignes, j’ai vécu deux jours immersifs mêlant sport, rencontres et conseils d’athlètes à l’approche de l’UTMB.

Du 30 juillet au 1er août, j’ai eu la chance d’être invité par la marque Altra à Tignes, en Savoie, pour vivre deux jours immersifs aux côtés de leurs athlètes, réunis pour une semaine d’entraînement intense à un mois de l’UTMB.

L’aventure a commencé par un moment convivial autour d’un repas, l’occasion idéale de rencontrer les athlètes venus des quatre coins de l’Europe et de plonger dans l’ambiance du groupe.

Le lendemain matin, place au sport. Après un échauffement collectif, deux parcours s’offraient à nous : un 10 km avec 500 m de dénivelé positif, ou un 16 km avec 1000 m de dénivelé positif. J’ai choisi le premier, n’étant pas encore totalement acclimaté à l’altitude. L’objectif : atteindre l’Aiguille Percée, perchée à 2778 mètres, avant de redescendre. Une sortie magnifique et exigeante, qui nous a aussi permis de tester la Olympus 275 de la marque.

L’après-midi, nous avons assisté à un workshop animé par Robert Hajnal (2e de l’UTMB 2018), qui nous a partagé ses conseils précieux : contenu de son sac sur un ultra, stratégie nutritionnelle, comment prendre un gel en course sans se désynchroniser.

Après un bon repas bien mérité, j’ai eu le plaisir d’interviewer cinq athlètes sur leur parcours, leur rapport à la compétition, leurs motivations profondes… Vous pouvez retrouver ces échanges inspirants un peu plus bas.

Pour clôturer cette journée intense, un massage bienfaisant prodigué par Romain (@lazaro.massages) est venu soulager les jambes fatiguées, un vrai luxe après l’effort du matin.

Le soir, nous avons partagé un dernier dîner avec les athlètes, dans une ambiance chaleureuse et détendue, avant de leur souhaiter bon courage pour leurs prochaines courses. Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil et encore plein d’images en tête, il était déjà temps de repartir.

Un immense merci à Altra pour cette invitation et cette expérience unique, et à tous les athlètes pour leur accueil, leur bienveillance et leurs partages inspirants.

Interview Ugo Ferrari :
Peux-tu revenir sur ton parcours et sur les étapes marquantes qui t’ont amené à ton niveau actuel dans le trail et l’ultra ?

Oui, alors mon parcours n’a pas commencé de manière compétitive. C’était surtout mes parents qui m’encourageaient à sortir, à faire du sport, à une époque où la PlayStation ou les jeux en ligne devenaient très présents. Ce petit coup de pouce m’a permis de rester actif.

La vraie bascule vers la compétition est arrivée vers 15-16 ans, avec le VTT. Là, j’ai vraiment pris le sport au sérieux, avec les coupes de France, un entraîneur… c’était très structuré. J’étais vraiment dans la peau d’un compétiteur.

Ensuite, à l’université, c’était plus compliqué. Entre le logement seul, les études… j’ai basculé sur la route. Mais en fait, j’y retrouvais les mêmes risques qu’en descente en VTT, et je n’étais pas très performant. Quand je suis revenu en école d’ingé, j’ai tout simplement arrêté cette pratique : je ne voyais plus le sens.

Puis un copain m’a proposé d’aller courir avec lui, 30 minutes, comme ça. Et là, l’esprit compétitif est revenu. J’ai regardé quelques courses locales, je me suis inscrit à l'Ultra Tour du Beaufortain, que mes parents ont couru plusieurs fois, suite à une randonnée dans le massif du Beaufortain. Je me suis dit : « Si eux le font, je peux le faire aussi ! » Sauf que je n’avais que six mois de course dans les jambes… j’ai souffert, mais je l’ai fait. C’était le déclic.

Ensuite, je me suis entraîné pendant deux ans avant de revenir sur les ultra trails. En 2016, je termine quatrième à la TDS (Traces des Ducs de Savoie). Depuis, chaque année, je remets ça !

C’est ta 7ème édition à l’UTMB cette année 2025. Pourquoi cette passion pour cette course en particulier ?

Il y a trois raisons principales.

D’abord, parce que l’UTMB, c’est tout simplement la plus grande compétition mondiale en ultra-trail. Sur les formats plus courts, c’est discutable, mais en ultra, c’est indiscutable. C’est l’occasion de se confronter aux meilleurs, sans avoir besoin d’intégrer une équipe nationale. Il faut juste réussir à s’y inscrire, ce qui est relativement simple quand tu es un coureur de bon niveau.

Ensuite, il y a la proximité. J’habite à 1h20 de Chamonix, donc pour moi, pour mes proches, c’est super pratique. Il y a une vraie ambiance, une familiarité avec le lieu, le parcours, les gens qui y travaillent.

Enfin, l’aspect médiatique : aujourd’hui, la course est diffusée, il y a un vrai engouement. L’Équipe retransmet même des parties à la télévision. C’est devenu un événement suivi, reconnu. Et au fil des ans, j’ai tissé des liens avec ceux qui bossent sur l’UTMB. Il y a un petit côté « famille ».

Est-ce que tu vois des différences sur la course en elle-même depuis la première fois que tu l’as réalisée ?

Oui, forcément.

La première fois, c’était en 2018. La course était déjà très mature, surtout après une édition 2017 marquante avec la bataille Kílian-François sous la pluie. Mais depuis, tout a grandi.

Il n’y a pas forcément plus de participants sur chaque course, mais il y a plus d’épreuves, comme la MCC (Martigny-Combe à Chamonix) ou la ETC (Expérience Trail Courmayeur). Le village des marques a grossi, les marques elles-mêmes proposent des produits de plus en plus aboutis.

Ce qui a vraiment changé, c’est l’audience. Avant, les spectateurs étaient surtout des accompagnants. Aujourd’hui, il y a un vrai public qui vient juste pour regarder. Il a donc fallu structurer tout ça : mise en place de navettes, zones de restriction de parking… tout est plus cadré.

Et médiatiquement, ça a explosé. En 2018, personne ne faisait de podcasts. Aujourd’hui, c’est monnaie courante. J’étais un des premiers à en faire en France dans ma chambre avec un micro. Maintenant, il y a des studios mobiles, des équipes pro. C’est impressionnant, surtout depuis la reprise post-Covid.

Comment tes préparations ont évolué depuis le temps ? Comment adaptes-tu tes préparations avant chaque UTMB ? Tu peux notamment nous parler de ton préparateur mental ?

En général, je prends une semaine de repos après une course courte, puis je remonte progressivement en charge jusqu’à trois ou quatre semaines avant l’UTMB. Ensuite, je redescends pour récupérer.

Mais cette année, j’ai redémarré trop fort. J’avais fait plus de volume, plus de dénivelé, et je pensais que mon corps encaissait. Résultat : je me suis bloqué un genou. Je travaille dessus actuellement. C’est un peu le creux de la préparation, là où je devrais être au pic.

Du coup, j’envisage peut-être une approche nouvelle avec un peu moins de volume, ce qui serait inédit pour moi. Je me rassure en pensant à des coureurs comme Mathieu Blanchard, qui avait aussi dû composer avec une blessure.

Quant à la préparation mentale, j’y ai recours depuis 2025 seulement. Je travaille avec Stéphane Brogniart. Il a une approche très concrète, pas ésotérique. Il ne me dit pas « pense au sourire de ta femme » pour gérer la douleur. C’est plutôt de l’organisation mentale : ne pas regarder les autres, ne pas s’accrocher à eux, mais rester centré sur soi-même.

Il m’aide aussi à bien organiser la dernière semaine avant la course, que j’avais tendance à négliger. Avec l’expérience, on banalise, et on finit par faire n’importe quoi en pensant qu’on a suffisamment d’années d’entraînement derrière nous.

Est-ce que tes objectifs ont grandi avec le temps ? Est-ce que tu vises une meilleure place ou un meilleur temps au fur et à mesure ?

Oui, clairement. Mon meilleur chrono est de 23h10. Je pense pouvoir descendre gentiment vers 22h30. Cette année, j’étais parti confiant… mais la blessure remet un peu tout en question. Je ne sais même pas encore si je pourrai prendre le départ.

Mon objectif reste d’arriver serein, et de m’approcher de ces 22h30. Après ça, j’aurai deux leviers pour progresser : Premièrement, faire une année sans UTMB ni longue distance, pour développer mes qualités physiologiques. Faire un hiver de cross, moins de 10h par semaine, des courses courtes… puis éventuellement finir sur les Templiers. C’est comme changer le moteur d’une voiture : tu l’amènes au garage trois mois, et tu repars avec un truc plus puissant. Deuxièmement, travailler moins mais c’est difficile quand tu es ton propre patron et que tu fais quelque chose qui te passionne.

Interview Alban Berson :
Peux-tu revenir sur ton parcours et sur les étapes marquantes qui t’ont amené à ton niveau actuel dans le trail et l’ultra ?

Dans mon enfance, je courais un peu, surtout lors de petites courses locales pendant l’école. Ça a duré jusqu’à la fin du collège environ. Ensuite, j’ai un peu décroché du sport. J’ai commencé à faire la fête avec les copains, à boire, à fumer… comme beaucoup à cet âge-là, je pense.

Le lycée a été une période un peu plus chaotique. J’ai expérimenté pas mal de choses. J’étais en Normandie, pas loin de la Bretagne, et j’ai passé pas mal de temps dans la scène punk et de la rave party avec ce que ça implique d’excès. À 24 ans, je suis parti bosser en restauration, en station balnéaire puis en station de ski. Un milieu très festif, avec beaucoup d’addictions.

En avril 2015, j’ai fait un gros burn-out. J’ai été hospitalisé en psychiatrie pendant trois nuits. Là-bas, j’étais entouré de personnes avec des pathologies très lourdes, c’était un choc, une vraie descente. Et en sortant de là, je me suis dit : plus jamais. Je ne voulais pas revivre ça.

C’est à ce moment-là que j’ai repris la course à pied. J’ai participé au semi-marathon de Neva en juillet 2015. Et là, j’ai retrouvé les sensations que j’avais quand j’étais enfant et j’ai adoré.

Entre deux saisons, je voyageais beaucoup, j’ai visité 40 à 45 pays, souvent à vélo. Et c’est là que l’appel de la nature et de l’aventure s’est imposé. Je me suis orienté progressivement vers le trail, puis l’ultra. Ça s’est fait naturellement.

En octobre 2015, j’ai couru ma première course de trail (17 km). Il y avait 25 participants. Je ne connaissais rien : j’ai demandé à l’orga comment fonctionnaient les ravitaillements, le balisage… Et finalement, je gagne la course. Il n’y avait pas un très haut niveau, mais me retrouver sur le podium, avec un micro, un trophée m’a aussi fait un déclic.

Quel a été ce fameux « déclic » qui t’a fait basculer d’un mode de vie fêtard à celui d’un ultra-marathonien ?

C’est un double déclic, en fait.

D’un côté, il y a eu l’hospitalisation. Cette claque m’a fait comprendre que je ne voulais plus jamais me retrouver dans cet état-là. Et de l’autre, cette première victoire en trail. J’ai senti une vraie fierté, une reconnaissance. Des gens qui t’applaudissent, qui te valorisent… C’était nouveau pour moi et je pense que mes problèmes d’addiction étaient liés à un gros manque de confiance en moi. Et là, j’ai enfin trouvé quelque chose de positif pour me construire.

Avant ce tournant, avais-tu déjà un rapport au sport, ou c’était vraiment un changement radical ?

J’en avais un petit peu. Mon père m’entraînait pour des petites courses quand j’étais enfant. Le plus long que j’ai fait, c’était un 5 km. J’ai aussi participé à des cross scolaires, à des compétitions d’athlétisme au collège, sur du 1500 ou du 3000 m, je crois.

Mais ce n’était jamais dans une optique de performance ou de devenir pro. En Normandie, à l’époque, le trail n’existait quasiment pas donc c’était loin d’être un projet de vie.

Et puis plus tard, entre mes saisons, j’ai fait beaucoup de voyages à vélo. 25 000 km cumulés, dans 25 pays, sur six voyages différents. Ça m’a certainement aidé à développer l’endurance et ce goût de l’aventure.

Qu’est-ce qui t’attire le plus dans l’ultra trail ? L’effort physique, la solitude, la nature, la communauté ?

C’est un mélange de tout ça.

Ce que j’adore, c’est la gestion : l’effort, l’alimentation, la lumière, l’hydratation, les imprévus. Il y a tellement de paramètres à maîtriser, et tellement d’inconnus. Chaque course est unique. Il faut savoir s’adapter, rebondir, improviser. C’est ce qui rend le truc passionnant.

Et puis l’entraînement, c’est aussi un plaisir. Ce sont des micro-aventures au quotidien. Partir découvrir un sommet, une crête, une rivière, un sentier inconnu… Ça rend chaque sortie motivante.

Je me souviens de mon premier 80 km : on est partis à 4h du matin. J’ai eu l’impression de partir en voyage. Géographiquement, physiquement… mais aussi intérieurement. En ultra, personne ne peut garantir qu’il ira au bout, même les meilleurs. C’est cette incertitude qui rend la chose extraordinaire.

Et oui, évidemment, il y a aussi une vraie reconnexion à la nature et à soi-même. C’est un besoin chez moi. Je retrouve dans cette pratique un équilibre que je ne trouvais pas ailleurs.

Est-ce que tu te reconnais dans la personne que tu étais à 35 ans ? Qu’est-ce qui a le plus changé chez toi ?

Ce qui a changé avant tout, c’est la stabilité. Avant, quand je faisais la fête, je m’amusais, mais le lendemain c’était très dur. J’étais dans un cercle vicieux.

Je jouais un rôle, je faisais le fanfaron… parce que je manquais de confiance en moi. Aujourd’hui, je vis beaucoup plus sainement. Mon alimentation est meilleure, j’ai perdu un peu de poids, et surtout, je me sens plus équilibré. Je m’autorise encore des plaisirs, bien sûr, mais dans un cadre bien plus sain, c’est une transformation autant physique que mentale.

Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un de 35-40 ans qui pense qu’il est « trop tard » pour changer de vie ?

Je lui dirais que s’il a la motivation et l’envie, alors tout est possible. Le vrai changement commence avec un déclic. Après ça, tout peut s’enchaîner.

Ce qui m’a aidé, c’est de me raccrocher à des choses simples : la nature, la sobriété, la simplicité. La course à pied, c’est un sport ancestral, accessible : on sait tous courir. Et il y a quelque chose de profondément libérateur à évoluer dans la montagne, avec presque rien sur soi.

J’aime ce côté minimaliste, contrairement au vélo ou au ski de rando, où il faut gérer du matos, des réparations, des imprévus techniques… En trail, ta seule panne possible, c’est toi. Tu pars avec une paire de baskets, deux barres, un peu d’eau, et tu vis une aventure.

C’est aussi un état d’esprit que j’applique à ma vie : je vis en camping-car, avec peu de choses. Je consomme peu, j’ai des panneaux solaires, je fais attention à l’eau. Chaque objet que j’achète, je le réfléchis. Cette sobriété volontaire, je la retrouve dans le trail.

C’est une vie un peu marginale peut-être, mais je m’y sens aligné. Mon rêve, ce serait de vivre dans une yourte, mais là où je suis, ce n’est pas encore autorisé. Alors le camping-car, c’est un bon compromis pour vivre au plus près de la nature.

Pour finir, j’ai deux citations qui me viennent et qui correspondent bien à mon parcours et qui sont inspirantes, la première est «La vie est comme une bicyclette, pour garder l'équilibre, il faut avancer.» de Albert Einstein et la seconde est «Merci pour les roses et merci pour les épines.» de Jean d’Ormesson.

Interview Audrey Virgilio :
Peux-tu revenir sur ton parcours et sur les étapes marquantes qui t’ont amené à ton niveau actuel dans le trail et l’ultra ?

J’ai toujours couru, surtout en famille, avec ma maman. On participait à pas mal de courses en Suisse, et assez vite j’ai vu que j’étais douée. Vers mes dix ans, j’ai commencé le ski de fond. Au début, j’étais vraiment nulle, mais j’ai progressé, et je pense que j’avais déjà une certaine affinité pour les sports d’endurance.

En parallèle de la course à pied, où j’ai été championne suisse de cross à l’adolescence, j’ai aussi brillé en ski de fond, j’ai été championne suisse à 16 ans. Ensuite, en sport-études, les années juniors ont été plus compliquées. Je me sentais bien, mais les résultats ne suivaient plus trop.

Quand je suis sortie du sport-études, il a fallu choisir : soit passer en élite, soit arrêter. J’ai décidé d’arrêter la compétition à haut niveau. Mais j’ai continué à courir, pour le plaisir, environ 4 à 5 fois par semaine, sans objectif particulier.

Ce qui a vraiment relancé la machine, c’est mon compagnon, qui faisait déjà de l’ultra, notamment la Diagonale des Fous. On a voulu la faire ensemble, donc j’ai structuré un peu plus mon entraînement. Et en prenant un coach, je suis vraiment revenue dans une dynamique de performance. J’ai retrouvé le goût de l’effort, de l’entraînement, même du « sang dans la bouche », comme on dit. J’ai intégré une team, j’ai fait de bons résultats en trail, et tout s’est enchaîné très vite à partir de là.

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste le projet Run&Sign, ce qui t’a motivé à le créer ou à y participer et est-ce que tu souhaites transmettre à travers lui ?

Run&Sign est un programme d’insertion professionnelle destiné à des jeunes entre 18 et 30 ans sans diplôme ni formation certifiante. Ces jeunes nous sont envoyés par le Service de l’emploi du canton de Neuchâtel en Suisse, et notre mission, c’est de les aider à identifier leurs forces, leurs envies, pour maximiser leurs chances de trouver une place d’apprentissage (qui est valorisée en Suisse) et de les accompagner dans ce processus.

Parallèlement, ils suivent un programme sportif, surtout de course à pied. Pour beaucoup, c’est une découverte complète du sport, en particulier de la rigueur qu’il impose : l’endurance, la persévérance, le dépassement de soi, la discipline. Ce n’est pas facile, mais ils apprennent à se battre pour un objectif. Et surtout, ils apprennent à être fiers d’eux. Ce n’est pas un public « à problèmes », comme on nous demande souvent. Ce sont juste des jeunes qui ont besoin d’encouragements et de croire en eux.

Le projet a été lancé par mon employeur, une société suisse appelée Nasca Formation, d’abord dans un autre canton avec pour objectif final la mythique course Sierre-Zinal. Le succès du projet a motivé son extension à d’autres régions, dont Neuchâtel, où j’ai été recrutée pour le lancer.

Aujourd’hui, nous sommes financés par le canton et à moyen terme, il est prévu que le projet devienne une association indépendante.

Après ta blessure au Chianti Ultra Trail, comment envisages-tu la suite de ta saison et quels sont tes prochains grands objectifs de course ?

Je me suis déchiré le ligament de la cheville avec arrachement osseux, c’était ma première blessure sérieuse. Jusque-là, j’avais eu quelques inflammations, rien de grave. Mais là, la récupération a été longue, d’autant plus que c’était une période chargée au travail.

Ma saison devait démarrer en mars, mais elle commencera finalement en août. Je reprends avec un 50 km le 23 août du côté de Zermatt lors de l’Ultraks, puis un 80 km en Slovénie au Julian Alps Trail Run by UTMB. Si tout se passe bien, j’enchaînerai avec les Templiers fin octobre, sur 80 km aussi. Il y a environ un mois entre chaque course, donc on verra comment mon corps encaisse et ma capacité à récupérer car ce n’est pas évident quand tu travailles à 100% de trouver du temps pour récupérer et aussi dormir suffisamment.

Comment arrives-tu à équilibrer ton rôle de coach, ton entraînement d’athlète de haut niveau et ta vie personnelle ?

Avant tout, je me considère comme une professionnelle : je gagne ma vie avec mon travail, et ma famille passe avant le sport. Je m’entraîne en fonction du temps et de l’énergie que j’ai. Je fais mes propres plans d’entraînement, en adaptant selon mes contraintes. Je m’entraîne en général entre 12 et 15 heures par semaine, parfois plus, mais pas toujours.

Je cours principalement, je fais aussi de la musculation (avec un coach), un peu de vélo et de natation, et en hiver, du ski de fond, mon premier amour !

Le fait de partager ça avec mon conjoint est une vraie chance. On court ensemble, on voyage ensemble pour les courses, c’est du temps de qualité. Mais il est clair que si tu mets le sport en premier, ça finit par craquer ailleurs. L’équilibre est indispensable, et il est propre à chacun.

Le fait d’être coach influence-t-il ta propre approche de la préparation physique et mentale ? En quoi cela enrichit-il ta vision de l’entraînement ?

Ce que j’aime, c’est partager. Faire les choses juste pour soi, sans transmission, ça ne m’intéresse pas. Naturellement, j’aime accompagner les gens, donner un coup de main, et j’apprends aussi beaucoup d’eux.

Interview Emmanuel Ocampo :
Peux-tu nous parler de ton parcours personnel et sportif, et des étapes qui t’ont conduit à devenir l’athlète que tu es aujourd’hui ?

Je m’appelle Emmanuel, je viens d’Argentine. Mon parcours dans le trail a commencé là-bas. J’ai d’abord couru des distances plus classiques, comme des 10 ou 20 km, mais très vite je suis passé aux longues distances : d’abord un 50 km, puis directement un 80 km.

Avant ça, j’avais surtout pratiqué des sports collectifs, mais avec le rythme du travail, j’ai cherché un sport plus individuel, plus flexible. C’est comme ça que je suis tombé dans le trail. En 2015, je suis venu pour la première fois à Chamonix, et là, j’ai eu un déclic. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à rêver de devenir un jour un athlète de haut niveau, en Europe.

Comment vis-tu tes courses d’ultra trail sur le plan mental et physique : comment trouves-tu du plaisir, comment gères-tu la douleur et comment surmontes-tu les moments de doute ?

Le mental, pour moi, c’est la clé. Bien sûr, il faut une bonne base physique, mais c’est vraiment la tête qui te porte dans les ultras. Je travaille beaucoup cet aspect, en amont des courses. Je sais qu’il y aura des hauts et des bas, que je vivrai des moments difficiles, mais je les anticipe.

Je les accepte avant même de prendre le départ. Et pendant la course, je me raccroche à cette idée que ça finira par passer et parfois ça prend du temps, mais j’essaie de rester patient. Et si vraiment ça ne passe pas… alors j’accepte que ce ne soit pas le bon jour, et je me dis que je retenterai la prochaine fois. Mais tout ça, c’est un travail mental préparé bien en avance.

Tu as participé à l’UTMB l’année dernière, quels souvenirs en gardes-tu et envisages-tu de te lancer à nouveau dans cette aventure ? Comment te prépares-tu pour une course d’une telle envergure ?

L’an dernier à l’UTMB, j’ai vécu ma première grosse blessure. Une vraie douleur, surtout dans la dernière descente, celle que tout le monde connaît. Je l’ai faite en trois ou quatre heures tellement j’avais mal, mais j’ai tenu bon. C’était dur, physiquement comme mentalement. Mais je voulais finir, coûte que coûte.

Ce souvenir est resté très fort en moi. Et justement, cette année, je reviens à l’UTMB avec un nouvel objectif : terminer à nouveau, mais sur mes deux jambes cette fois. Je veux revivre l’aventure, mais dans de meilleures conditions.

Qu’est-ce qui rend l’UTMB si spéciale et symbolique pour toi et pour la communauté des trailers ?

L’UTMB, c’est mythique. C’est la course que tout le monde connaît. Pour moi, c’était aussi spécial parce que j’ai longtemps rêvé de Chamonix sans y avoir jamais vécu. Ces montagnes, je voulais les découvrir, y courir. C’est un symbole, et c’est cette image qui m’a donné envie de me lancer dans ce sport à fond.

Comment définis-tu tes objectifs chaque saison : es-tu guidé par la recherche de performance et de classement, ou par d’autres motivations ? 

La compétition est très importante pour moi. Elle me motive, c’est ce qui me pousse à me fixer des objectifs et à m’entraîner dur. Mais plus que les classements, ce que je cherche, c’est le processus : tout ce que je mets en place pour y arriver. C’est ça qui me motive au quotidien.

Je sais d’où je viens. Je vois le chemin parcouru depuis que je suis arrivé ici, et je veux tester mon niveau face aux meilleurs, à mes coéquipiers, à d’autres athlètes européens. Rien que ça, pour moi, c’est déjà une grande victoire.

As-tu un souvenir marquant ou une anecdote qui illustre cette passion ?

Oui, ce que je retiens le plus, ce sont les batailles mentales et physiques. C’est ça, pour moi, l’essence de l’ultra. Ces moments où tu dois aller chercher en toi ce que tu ne soupçonnais même pas. Ce n’est pas juste courir longtemps, c’est se confronter à soi-même, et en ressortir différent. À chaque fois que je repense à une course, c’est ce combat intérieur qui me revient en premier.

Interview Aubin Ferrari :
Peux-tu revenir sur ton parcours et sur les étapes marquantes qui t’ont amené à ton niveau actuel dans le trail et l’ultra ?

J’ai grandi dans une famille sportive, donc j’ai toujours été très actif. C’est au collège que les choses ont pris une tournure plus sérieuse : j’ai intégré une section sport-étude en ski de fond, que j’ai poursuivie jusqu’au lycée. Huit années très formatrices. À la fin du lycée, je ne savais pas vraiment si je voulais continuer dans le ski, car je peinais à percer au haut niveau. Mais j’aimais courir, notamment pour préparer la saison hivernale.

C’est à ce moment-là, durant mes études supérieures, que je me suis orienté vers le trail. Et pas par la petite porte : en 2016, à 19 ans, j’ai couru mon premier ultra de plus de 100 km, après seulement deux petites courses d’initiation. Ensuite, de 2018 à 2021, j’ai été entraîné par Nicolas Martin, qui m’a énormément appris, tant sur l’entraînement que la nutrition ou la gestion globale de l’athlète.

Depuis 2021, avec l’entrée dans le monde du travail, j’ai arrêté le suivi avec Nicolas. Mais j’avais acquis de solides bases, et comme je suis passionné par l’entraînement, je continue d’apprendre en m’inspirant d’autres disciplines comme le marathon ou le triathlon. Le trail est encore un sport jeune : on explore encore ce qui fonctionne. J’aime piocher des idées un peu partout.

Est-ce que tu travailles à côté ? Et comment jongles-tu avec ta vie professionnelle, personnelle et ta vie d’athlète ?

Oui, je travaille à 80 % depuis janvier 2025, ce qui me laisse plus de marge. Je n’ai pas tant augmenté mon volume de course, mais j’ai pu renforcer tout ce qui est autour : récupération, suivi kiné, massages, renforcement musculaire… Ces éléments souvent négligés sont en fait essentiels pour progresser et prévenir les blessures.

Côté personnel, j’ai une vie plutôt simple. Je vis avec ma compagne, on n’a pas d’enfant, donc on arrive à coordonner nos emplois du temps sans trop de sacrifices. Ça aide beaucoup.

Est-ce que tu fais d’autres sports dans ta vie ? Y vois-tu une aide pour le trail ou plutôt une autre passion ?

J’ai longtemps fait du ski de fond, surtout l’hiver. Mais depuis que je suis en Suisse, sans station à proximité et avec peu de temps, j’ai arrêté. Par contre, j’adore le vélo, surtout l’hiver avec les home trainers comme Zwift : c’est ultra précis pour travailler les bonnes intensités. Cet été, j’ai un peu délaissé le vélo par manque de temps, car j’ai augmenté mon volume à pied (environ +10 %, de 5500 à 6000 km sur l’année). Si je peux passer à 50 % de temps de travail l’an prochain, j’espère stabiliser la course à pied et remettre un peu plus de vélo.

Au-delà de la performance de l’UTMB, le côté mental doit prendre une place très importante dans ce genre de course très médiatisée. Comment gères-tu cette partie ?

L’UTMB, c’est clairement la course de l’année. Tout le monde est là, toutes les marques, les médias… Et l’erreur classique, c’est d’arriver à Chamonix trop tôt et de s’épuiser à tout accepter. On peut facilement cramer de l’énergie avant même le départ.

J’ai longtemps eu une malédiction à Chamonix : abandons sur la TDS (Traces des Ducs de Savoie) puis j’ai raté la CCC (Courmayeur – Champex – Chamonix) même si j’ai pu voir la ligne d’arrivée, l’UTMB… Jusqu’à 2024, où j’ai réussi une belle course malgré un gros pépin à la cuisse en fin de parcours. J’ai su rester calme, accepter la douleur, prendre le temps, puis repartir et finir. C’était un vrai soulagement.

En 2021, par exemple, j’avais sous-estimé le 100 miles. J’ai eu mal aux jambes dès le kilomètre 70 et mentalement j’ai craqué. J’ai abandonné. Alors qu’en 2024, j’ai eu la même douleur au même moment, mais je l’ai acceptée. Et c’est là qu’on comprend que dans l’ultra, la douleur physique est presque secondaire : c’est le mental qui décide si tu termines ou pas.

As-tu des conseils à donner à quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’ultra trail ?

Le contraire de ce que j’ai fait : y aller progressivement ! Commencer par un 50, puis un 80, ensuite une course comme le Lavaredo (120 km, une nuit dehors), avant de viser un 100 miles. Et surtout : ne pas négliger l’environnement autour de soi. L’ultra prend du temps. Si tu as une famille, des enfants, il faut anticiper, organiser et faire les choses petit à petit. Sinon, ça peut devenir destructeur.

Et bien sûr, éviter les blessures. Elles sont la première cause de stagnation. Mieux vaut un plan d’entraînement équilibré, adapté à sa vie, qu’un programme trop ambitieux qu’on ne peut pas tenir.